MOUKAGNI-IWANGOU’S LETTER TO ALI BONGO’S JURISTS. LA LETTRE DE MOUKAGNI-IWANGOU AUX JURISTES D’ALI BONGO






Objet : L’enquête en flagrant délit préconisée contre Monsieur Jean Christophe OWONO NGUEMA, pris en sa qualité de Sénateur de la République Gabonaise.
Monsieur le Procureur de la République,



J’ai l’insigne honneur de vous exprimer mes inquiétudes, sur une question majeure qui engage à la fois, l’avenir de la Nation, et l’administration d’une bonne justice.

Je resterais sur ce dernier volet, par égard à vos fonctions, qui vous astreignent à une obligation de réserve sur les questions politiques, et surtout, à une obligation de loyalisme vis-à-vis des convenances de l’Etat.

Dans cette démarche, je m’autorise à venir à vous, parce que les règles, et particulièrement les règles de procédure, sont l’expression du parfait équilibre, qui invite le citoyen à dénoncer toute infraction dont il a connaissance, afin d’empêcher que le vice ne l’emporte sur la vertu, et lui commande tout autant, à œuvrer à la manifestation de la vérité, pour éviter que la rétention de la vérité n’induise la juridiction compétente en erreur.

Vous avez décidé d’ouvrir une enquête en flagrant délit, une procédure opérante contre des personnes prises sur le fait, contre des personnes poursuivies par la clameur publique dans un temps voisin de la commission des faits, ou contre des personnes mises en cause dans le mois de la commission desdits faits.

Vous avez décidé d’y recourir, parce que vous incriminez les propos tenus par un Sénateur, qui trouve que la modification de la loi fondamentale arrêtée par le Gouvernement, porte atteinte à la forme républicaine de l’Etat.

Par cette démarche, vous décidez de faire l’économie de l’autorisation préalable du Bureau du Sénat, prévue à l’article 38 de la Constitution, et vous vous engagez à obtenir sous votre propre diligence, et la mise en garde à vue de Monsieur Jean Christophe OWONO NGUEMA, et sa comparution immédiate devant la juridiction de jugement, et forcément sa condamnation.

En repartant vers les pères fondateurs, dans ce pays qui s’acharne à détruire son histoire, vous n’aurez aucune peine à apprécier la dérive vers le pouvoir absolu, dénoncé par Monsieur OWONO NGUEMA, et par devers lui, ces Gabonais qui veulent simplement d’une autre gouvernance du pays.

Sous la foi des dispositions de l’article 7 de la loi n°68/60 du 14 novembre 1960 portant première constitution de la République Gabonaise, ceux qui rêvaient d’un Gabon immortel ont écrit ce qui suit : ‘’Le Président de la République est élu par un collège électoral comprenant les membres de l’Assemblée nationale et les membres élus des collectivités territoriales prévues au titre XI ci-après.

Les modalités d’application de l’alinéa précédent sont fixées par la loi.

La durée des fonctions du Président de la République est de six ans. Toutefois, lorsque le mandat du Président de la République expire moins de 6 mois avant la fin de la législature, il est prorogé de plein droit jusqu’à la réunion de la nouvelle Assemblée Nationale. Il ne peut être réélu qu’une fois’’.

Sous l’éclairage de ces lumières du passé, la limitation des mandats à la tête du pays n’est pas blâmable. Et le recours à un Procureur de la République n’est pas envisageable. Loin s’en faut.

La limitation des mandats nous réconcilie avec notre passé, où est restée notre identité propre, et toute cette fierté qui sommeille en chacun de nous.

Revenant à votre option procédurale, que je vous suggère fortement de nuancer les effets, l’épreuve de la pratique enseigne, que les conditions de la flagrance, c'est-à-dire l’infraction éprouvée sur le champ, signalée par la clameur, ou poursuivie dans le mois de sa commission, quoique réunies, ne conduisent pas toujours au recours à la procédure de flagrant délit.

D’abord parce que, au-delà de la comparution immédiate, cette procédure ne peut être envisagée que pour des faits simples, qui n’appellent aucune investigation supplémentaire.

Sur ce registre, vous et moi savons par exemple, s’agissant du trafic des stupéfiants, que l’arrestation des petits dealers pris les faits, ne doit pas automatiquement donner lieu à comparution immédiate, autrement dit au flagrant délit, parce que le démantèlement de tout le réseau criminel, qui porte l’efficacité de l’œuvre de justice, invite à des investigations plus amples.

Sur ce même registre, vous et moi savons tout autant, s’agissant de la mal gouvernance qui sévit au sommet de l’Etat Gabonais, que la découverte d’un prête-nom ne doit pas suffire pour ouvrir une procédure en flagrant délit, parce qu’il faut prendre du temps et engager des investigations, pour remonter les délits d’initié, démasquer les prises illégale d’intérêts, mettre à nu le blanchiment en bande organisée, ainsi que son corollaire de criminalité transfrontalière, qui facilitent la dissipation des deniers publics.

En insistant sur ce dernier registre, parce que la bonne compréhension est à la fois dans la répétition, et dans les choses visibles, il n’échappe ni à vous-mêmes, ni à aucun Gabonais, que la pieuvre Delta Synergie qui éprouve chaque jour, sous nos yeux, la prise illégale d’intérêts et les délits d’initié, ne doit pas donner lieu à la procédure de flagrant délit, sous peine de survoler la réalité, par le fait d’une justice expéditive.

Quoique réunies, les conditions de la flagrance n’entrainent pas forcément recours à la procédure de flagrant délit, parce que celle-ci vise ensuite à circonscrire rapidement un phénomène à proscrire.

Dans le cas d’espèce, le phénomène à circonscrire c’est, certainement l’appel à la violence. Je vous le concède.

Corrélativement, vous me concéderez que le phénomène à circonscrire, c’est aussi cet ancrage dans le pouvoir absolu, dont toute démonstration devient surabondante, au vu des lumières du passé.

En recherchant d’avance l’arrestation, la comparution immédiate, et forcément la condamnation de celui qui entend établir la preuve de cette dérive, la procédure envisagée, loin de permettre de faire triompher la vérité, conduit, à s’y méprendre, à en faire obstruction.

A propos d’obstruction, il serait dommageable pour la vertu du droit, que le débat à venir soit privé de ses débatteurs.

Sur ce point, nul ne comprendra, que le chef de file qui porte la bataille du renouveau parlementaire, soit arrêté, et ne soutienne point sa bataille en temps utile.

Lui opposant la bataille judiciaire, dans laquelle il n’est pas moins bien loti, il s’instille en filigrane une passe d’armes insoupçonnée, entre le code pénal qui protège l’ordre public, et motive votre action, et la constitution qui légitime le recours à la résistance face à l’oppression du pouvoir absolu, ferment de la démarche d’OWONO NGUEMA.

Dans ce conflit des lois, entre le pot de fer de la constitution, et le pot de terre du code pénal, l’issue est courue d’avance. La constitution fait autorité.

En revenant aux choses plus prosaïque, la lecture distraite des dispositions de l’article 69 de la loi organique portant règlement du Sénat m’interroge.

Elle m’interroge sur l’autorité compétente à assurer les poursuites à l’encontre de tout parlementaire.

En son dernier alinéa, l’article 69 semble qualifier le Procureur Général près la Cour d’appel, dans toute initiative à prendre à l’encontre d’un Sénateur, notamment lorsqu’il énonce, je cite, que ‘’dans tous les cas prévus à l’article 38 de la Constitution’’, fin de citation.

Si cette lecture vous interpelle, au point de ne pas vous reconnaitre de compétence en la matière, je vous saurai infiniment gré de me partager votre compréhension, parce qu’il y aurait là, matière à privilège de juridiction. Ce ne serait pas nouveau à l’égard des personnels publics.

Sur ce terrain, je porte témoignage que les poursuites à engager contre le chef de l’Etat, pour évoquer le cas le plus visible, qualifient le Procureur Général près la Cour de cassation.

Profond respect.


MOUKAGNI-IWANGOU
Libreville, le 3 novembre 2017


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