LA NÉCESSITÉ DE SE METTRE DEBOUT





On dit souvent que pour se construire, on doive souvent se remettre en question. On ne peut pas réellement "avancer", comme diraient les "émergents", si on n'a pas pris maturité en examinant au préalable ce qu'on a fait dans le passé. Un adulte doit, pour progresser dans la vie, savoir remettre les choses à plat et reprendre ou repartir à zéro. La maturité, c'est le fait de faire la distinction entre le rêve et la réalité. Pour cela il faut avoir appris des choses, avoir vécu... et continuer à grandir et apprendre. Par conséquent, dans un pays où le peuple est plus adulte, on devrait en principe avoir des dirigeants plus responsables. Mais voila qu'au Gabon, quand nous voulons jeter un coup d'œil critique sur le cheminement qui nous a conduit où nous en sommes aujourd'hui, on nous dit: "laissez-nous avancer". Dans l'esprit de ceux qui détiennent le pouvoir au Gabon aujourd'hui, "laissez-nous avancer" veut simplement dire interdire aux gabonais de faire l'autopsie de l'imposture. Nous sommes arrivés, au Gabon, au degré zéro du ridicule. Tout le monde ou presque sait que la vie du prince n'a été qu'une imposture continuelle, depuis sa venue au Gabon jusqu'à sa prise de pouvoir, mais chut personne ne doit rien dire car le prince fait tourner le pays autour de lui et les gens ont peur pour leurs postes.

1. On cherche à tout prix à normaliser l'imposture
La normalisation de l'imposture commence dans chaque bureau d'administration publique ou même privée. Dans ces bureaux, les occupants accrochent des portraits du prince, un peu comme des parents qui garniraient les murs de photos d'êtres chers. Pendant que les uns se contentent d'accrocher des portraits dans les bureaux, d'autres chantent, en continue, les louanges au prince; dans cette ambiance, se plaindre du prince peut vous mettre au banc très rapidement. Toutes ces petites mesures peuvent vous paraitre amusantes, mais dans un agrégat de 43 ans les traces deviennent profondes et les stigmates aussi. Petit à petit, au fil du temps, les habitudes sont prises et les Bongo n'ont même plus besoin de nécessairement utiliser la violence pour terroriser les opposants politiques. Chers lecteurs, si la violence demeure l'acte premier de l'imposture, l'intimidation par la force physique devient à la longue obsolète, car après 43 ans, la simple position des Bongo dans la hiérarchie socio-ethnico politique insulaire, leur suffi pour imposer leur loi. Dans leur fameux Gabon «émergent», ils n’ont plus besoin de menacer le fonctionnaire ou le cadre d'entreprise, à l’aide d’un fouet ou d’une arme pour obtenir leur obéissance. Ces derniers savent implicitement qu'ils se doivent d’obéir, c’est tout; et ils le font même avant que le prince le leur demande. Tout le landerneau politico-intellectuel gabonais qui est ostensiblement dévoué au Bongo, fonctionne dans cette manière. Il accepte et anticipe même l'ubiquité de la loi du plus fort au Gabon. Ces gens savent qu'il soit de rigueur, lorsqu'on prononce un discours, de citer des lignes tirées du projet de société "l'avenir en confiance" du prince et de bien mentionner que c'est grâce à ce projet de société qu'il a été "brillamment" élu. Ces gens savent pourtant que ce qu'ils racontent n'est que ramassis de conneries, mais ces conneries sont un passage obligé si on veut avoir un minimum de standing social au Gabon. On assiste à des curieux spectacles ou des gens qui ont été volés hier, dépouillés hier, bastonnés hier, torturés hier, viennent publiquement remercier leur tortionnaire. Cela s'appelle la légitimation et l'acceptation de l'imposture et un peuple à genoux l'accepte volontiers. A ce stade au Gabon, l'imposture est normalisée.

2. Hier debout, aujourd'hui à genoux, et demain?
L'imposture est le geste premier, l'acte fondateur du régime Bongo; les gabonais le savent. S'il a fallu tuer des gens comme Germain Mba et bien d'autres de sa génération dont aucune stèle n'existe et n'existera au Gabon des Bongo; il est bien inutile aujourd'hui pour les Bongo de se débarrasser physiquement de caricatures politiques comme Mba-Abessole ou Pierre Mamboundou. A y regarder de près, nous avons presque l'impression qu'au Gabon, la dictature et l'imposture sont voulues et mêmes désirées par "l'opposition officielle". Avec les exemples de Mba Abessole et Mamboundou, nous voyons des victimes de l'imposture qui sont devenues ses plus ardents défenseurs. Au point qu'aujourd'hui, Mba Abessole et Mamboundou font des consultations au nom du prince, vont à l'intérieur du pays parler pratiquement au nom du prince, à certaines populations. Il semble donc qu'aujourd'hui, plus profondes sont les blessures infligées par l'imposture, plus on la défendra. C'est opposants qui ont été emprisonnés, qui ont perdu des membres de leur famille, pour de simples lubies d'un imposteur, se demandent-ils encore si le jeu en valait chandelle? Mba Abessole déclarait en Aout 2009 qu'Ali Bongo ne pouvait absolument jamais gagner une élection au Gabon, même son de cloche chez Mamboundou à quelque chose près. Mais aujourd'hui les deux suivent Ali Bongo comme des chiens en laisse. Sont-ils devenus des enthousiastes de l'émergence parce qu'ils y croient ou tout simplement parce qu'y croire, ou feindre d'y croire rapporte gros? Quelque soit la réponse, la conséquence est que l'ensemble de la population ou presque, perd confiance en ses hommes et de cette perte de confiance nait la légitimation et la normalisation de l'imposture. Petit à petit, le peuple s'infantilise, au point où aujourd'hui quand vous écoutez beaucoup de gabonais parler d'Ali Bongo, on dirait qu'il s'agit de leur oncle ou d'un intime, mais pas du tout d'un chef d'état. Très peu de rigueur analytique est appliquée. Est-ce un réflexe naturel envers le chef "tribal", un réflexe hérité des âges lointains? La propagande leur propose des mots choisis (émergence), des anecdotes, etc., qui sont autant de raisons pour le peuple de s'agenouiller devant le prince. Il n'y a pas longtemps, nous correspondions avec un lecteur à qui nous soumettions les insuffisances de la conception du pouvoir d'après des gens comme Ali Bongo. Se sentant acculé, notre interlocuteur répondit: "oui mais vous savez, Ali a créé la salle polyvalente des jeunes de Ntoum". Chers lecteurs, comme si une salle polyvalente pour jeune était un fait majeur pour un pays produisant du pétrole depuis 50 ans. Mais la propagande à laquelle est soumise la population est pernicieuse, car nous entendons des gens dire: "oui mais tu sais, Ali a relancé l'économie". Essayez de leur faire justifier leur affirmation ils vous disent que le bois est désormais transformé sur place, alors que la réalité veut que ce secteur ne représente même pas 10% de ce qu'il a été par le passé. Mais un peuple à genoux ne pense plus. C'est le régime qui pense pour lui, et veut lui faire dire: "mais qu'il est gentil notre imposteur!"

L'objectif d'une longue dictature est que les gens croient sincèrement dans le dictateur; que son imposture soit perçue comme un acte salutaire pour le pays. En s'imposant aux gabonais pendant 43 ans, les Bongo ont réussi à mettre les gabonais à genoux. Ils leur imposent une vision et une façon de penser toutes choses relatives au fonctionnement du Gabon. Beaucoup s'y sont habituées, y trouvent leurs marques, un certain équilibre. Un tel peuple est tellement plus coopératif, craintif et docile. L'imposture est institutionnalisée au Gabon. Ce qui fait qu'a tous les niveaux, nous avons une pyramide de rackets dont les flux se concentrent vers le sommet de l'état. Ali Bongo nous parait pourtant n'être qu'un escroc, a en juger par la manière dont il arrive au pouvoir et les documents de naissance qu'il présente comme étant les siens. Mais son imposture ne peut être contestée officiellement au Gabon, en dehors de la volonté de gens courageux comme Luc Bengono-Nsi, car il contrôle toute la hiérarchie du pays, et les gens qui dirigent cette hiérarchie savent ce qu'ils doivent faire pour ne pas fâcher le prince. Voici ce qui arrive dans un pays où la population est à genoux. Mais a-t-elle encore la force de se mettre debout?

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